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Dépression clinique ou « soucis de la vie » ?

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Français / Archives / 2015 / 4e Semestre 2015

 

 

Dépression clinique ou « soucis de la vie » ?

Ronald W. Pies, Cynthia M.A. Geppert

Ronald W. Pies est professeur de psychiatrie et maître de conférence en bioéthique et en sciences humaines à l’université médicale SUNY Upstate de Syracuse (État de New York). Il enseigne également la psychiatrie à la faculté de médecine de l’université Tufts, à Boston (Massachusetts).

Cynthia M. A. Geppert est professeure de psychiatrie et directrice du département d’éthique à la faculté de médecine de l’université du Nouveau Mexique. Elle est également chef du département de consultations psychiatriques et d’éthique, pour le système médical des anciens combattants du Nouveau Mexique, à Albuquerque, aux États-Unis.

 

 

En tant que psychiatres, nous connaissons trop bien la souf-france qui caracterise la depres­sion clinique. Mais en tant qu’experts en ethique et auteurs de materiel religieux et spirituel, nous sommes egalement preoccupes par la distinction essentielle qui existe entre la depression et la simple tristesse. Nous croyons que cette question est d’une importance cruciale et qu’elle merite d’être consideree par tous les pasteurs et par les conseillers. Comment faire la difference entre la tristesse (une emotion normale et passagère que les ecclesiastiques sont formes à gerer etant souvent les mieux places pour le faire) et la depression clinique qui exige souvent une intervention professionnelle pour un traitement psychologique ou, dans certains cas, psychiatrique?

La phénoménologie biblique du chagrin

La distinction entre la depression clinique et la simple tristesse semble être vieille comme le monde. Dans le Psaume 38, le psalmiste se lamente de ses peches. Il nous dit : «Il n’y a rien d’intact dans ma chair... Rien de sain dans mes os, à cause de mon peche... Mes plaies sont infectes et purulentes, à cause de ma folie, je suis courbe et prostre, tout le jour je marche dans la tristesse... Je gemis à cause du trouble de mon cœur2.» Les psychiatres d’au-jourd’hui reconnaîtraient probablement dans cette description des symptômes cliniques d’une depression chronique, tels que le ralentissement psychomoteur (« je suis courbe et prostre») et une humeur profondement deprimee. Le psalmiste ressent egalement le deperissement de son corps et une repugnance envers lui-même. Ces symptômes suggèrent davantage une depression clinique qu’une simple tristesse qui, habituellement, n’affecte pas le sentiment de valeur personnelle.

Par contraste avec le Psaume 38, le même roi David, après la mort de son cher ami Jonathan, est loin d’être « courbe et prostre ». Au contraire, après une courte periode de jeûne et de pleurs rituels, David est inspire à ecrire un hymne funèbre particulièrement emouvant, connu sous le nom de « Chant de l’Arc» (2 S 1.17-27), qu’il adresse à son ami perdu. « Comment le puissant a-t-il pu tomber?... Ma peine pour toi est grande, mon frère Jonathan, car tu etais mon ami le plus cher» (traduction de l’auteur). Ici, on ne trouve aucune trace de la repu­gnance envers soi ou du deperissement physique mentionnes dans le Psaume 38. Dans le deuil que vit David pour l’homme qui etait « attache à son âme» (1 S 18.1), nous entendons plutôt les accents plaintifs de la nostalgie. Notez egalement qu’en exprimant son chagrin, David se souvient des « bons moments» de la relation perdue («Tu m’etais si cher»). Comme nous le verrons, la capacite de ramener des souvenirs positifs de la personne decedee est l’une des marques caracteristiques d’un chagrin normal après un deuil, ce que l’on voit rarement en depression clinique.

L’anatomie du deuil et de la depression

Bien que la difference entre un chagrin normal et une depression clinique soit parfois difficile à discerner, certaines caracteristiques experimentales et « phenomenologiques» nous aident à distinguer ces deux etats. Par exemple, lorsque nous ressentons un chagrin ou de la peine dans la vie de tous les jours, nous nous sentons generalement (ou du moins nous sommes capables de nous sentir) etroitement lies aux au-tres. Un deuil sain est dirige vers l’exterieur, pour ramener les nombreux sou­venirs de l’être aime qu’on a perdu. Dans ce processus de commemoration, la compassion et la presence d’amis, de membres de la famille et d’ecclesiastiques aident souvent la personne affligee. Par des experiences partagees, la memoire du defunt est « ranimee» et l’esprit de la personne endeuillee est « fortifie ».

Par contraste, lorsque nous faisons l’experience d’une depression chronique, nous nous sentons souvent rejetes et seuls. La tristesse, selon les termes de Martin Buber, est un «je-vous», une ex­perience relationnelle; la depression clinique, elle, est une preoccupation morbide du « moi». En effet, William Styron decrit les personnes deprimees comme ayant « l’esprit tourne avec an-goisse vers l’interieur3. » La depression chronique consume le moi et forme une forteresse que ni un ecclesiastique, ni un proche attentionne ne peuvent rompre sans aide clinique.

La perception subjective du temps diffère egalement, suivant qu’il s’agisse de chagrin ou de depression. Lorsque nous eprouvons de la peine, dans la vie de tous les jours, nous avons le sentiment qu’un jour, cette peine se terminera. Comme le dit le Psaume 30: « Pleurer peut durer une nuit, mais la joie revient dès le matin» (v. 5, traduction de l’auteur). En revanche, la depression sevère nous enveloppe de la sensation que cela ne finira jamais. Les travaux du Dr Nassir Ghaemi ont montre la dis-torsion temporelle, lors de depression (le sentiment subjectif que le temps lui-même est au ralenti).4 La tristesse a la capacite de receler de la joie en son sein, ou au moins de la consolation. En ce sens, la tristesse est dialectique : elle genère une « conversation» interieure entre une possibilite d’espoir et une desolation sans espoir, surtout chez les personnes de foi, qui sont capables de voir le chagrin sub specie aeternitatis. Ainsi, quand Martin Luther fut confronte à la mort imminente de sa fille cherie, Magdalena, il aurait prononce ces mots aux oreilles de la jeune fille, alors qu'elle etait en train de mourir dans ses bras: « Lena cherie, ma petite fille, tu te relè-veras et brilleras comme une etoile - oui, comme le soleil! Je suis heureux dans mon esprit, mais dans ma chair, je suis très triste.» 5

Plus encore, il y a une dimension in-tentionnelle dans la tristesse du deuil, qui est absente dans la depression cli-nique. En realite, nous sommes depasses ou « envahis» par la depression comme par une force exterieure à nous, alors que nous nous abandonnons à la tris-tesse. Dans son recit autobiographique sur la depression, Andrew Solomon fait un commentaire sur « le terrible senti­ment d’invasion qui contribue à la si­tuation critique de la personne depressive.»6

Enfin, la depression clinique semble ecarter toute possibilite d’avancer dans la vie. Par contraste, bien que le deuil et le chagrin soient souvent profonde-ment douloureux, ils procurent egalement des occasions de grandir spirituellement. Cette perspective est bien expliquee par le psychotherapeute et ancien moine Thomas Moore: « Le deuil detourne votre attention de la vie active et la concentre sur les choses qui comptent le plus. Lorsque vous passez par une periode de deuil ou de douleur extrême, vous reflechissez aux personnes qui comptent le plus pour vous, au lieu de penser à votre reussite personnelle; au sens pro-fond de votre vie, plutôt qu’aux gadgets distrayants et aux divertissements.» 7

Le processus habituel de la douleur live au deuil

Comme le Dr Katherine Shear l’a ob­serve : « L’universalite du deuil est aussi incontestable que son unicite. Le deuil est une experience que partage toute l’humanite. C’est une reponse instinctive que nous comprenons à un niveau in-tuitif. Nous nous attendons naturellement à ce que le deuil progresse au fil du temps, prenne de nouvelles formes et soit finalement integre, lorsque nous faisons la paix avec la nouvelle et dure realite. Et malgre tout, nous nous de-mandons souvent à quoi cette trans­formation va ressembler et combien de temps cela va prendre.»8

Bien sûr, il n’y a pas une seule « bonne» façon de vivre la douleur liee au deuil, ni un seul parcours previsible. Comme l'expliquent les Drs Sidney Zisook et Shear, de nombreux facteurs sont en jeu : « L'intensite et la duree du deuil sont très variables, non seulement chez une mtime personne au fil du temps ou après plusieurs pertes, mais aussi chez differentes personnes aux prises avec des pertes apparemment similaires. L'intensite et la duree sont determinees par des facteurs multiples, entre autres : la personnalite de base de l’individu, la forme d’attachement, la constitution genetique et les vulnerabilites specifiques, l’âge et la sante, la spiritualite et l’identite culturelle, l’aide et les res-sources, le nombre de pertes, [et] la nature de la relation.» 9

Le sexe et la culture peuvent aussi façonner le visage du deuil. Ainsi, sans tomber dans les stereotypes, dans notre culture occidentale les hommes doivent cacher des emotions que les femmes sont socialement « autorisees» à montrer. Malgre ces nombreuses variables, cer-taines constatations generales peuvent titre faites concernant le cours habituel du deuil (parfois appele le deuil « nor­mal» ou « simple »). Dans les premiers jours et les semaines qui suivent le decès d’un titre cher, la personne qui fait l’experience du deuil souffre gene-ralement de chagrin aigu. C’est souvent une periode extrtimement douloureuse, au cours de laquelle la personne en deuil peut passer par de frequents epi­sodes de pleurs, eprouver de la difficulte à dormir et à se concentrer, constater une diminution de l'appetit et un desir minimal de « vie en societe», malgre une certaine receptivite à la consolation d’amis et de membres de la famille, ce qui en general n’existe pas dans les cas de depression. D’habitude, le deuil se vit sous la forme de «vagues» ou d’«accès de douleur», plutôt que dans l’obscurite ininterrompue de la depres­sion. Souvent, les souvenirs agreables de la personne decedee se mtilent au chagrin.

Il n’est pas rare que la personne recemment endeuillee entende la voix ou aperçoive l’image de la personne decedee, generalement de manière fugitive.10 Les pasteurs peuvent souvent aider les medecins en sante mentale à reconnaitre ces visions comme des ma­nifestations attendues du chagrin aigu, plutôt que comme des symptômes de depression psychotique.

De nombreux elements du chagrin aigu peuvent titre attenues par des rituels de deuil reconfortants, comme les sept jours de la Shiv’ah, dans la foi juive. À l’inverse, l’isolement social ou culturel peut intensifier la peine. Si le processus de deuil et de tristesse se deroule comme prevu, une transition subtile aura lieu, generalement au cours des premiers mois suivant la perte, à savoir l’emergence de l’integration du deuil. Durant cette phase, la douleur de la perte vient s’entrelacer dans le tissu plus large de la vie de la personne en deuil. L’integration du deuil implique une plus grande acceptation de la mort, un regain d’intertit et d’engagement dans la vie, une predominance d’emotions positives lorsqu’on se souvient du defunt, et une diminution des preoc­cupations et des pensees liees aux souvenirs de ce dernier. 11

Cela ne signifie pas que le fait d’avoir perdu un titre cher puisse titre «oublie» ou « laisse de côte». La personne en deuil ne devrait pas non plus titre incitee à « reprendre le dessus et passer à autre chose». Le deuil n’est pas tant une experience qu’un processus en mouvement, qui peut durer des annees, voire mtime toute une vie. Les conseillers pastoraux et les aumôniers peuvent cooperer avec des specialistes en sante mentale pour aider les personnes en-deuillees à voir leur deuil comme une sorte de relation transposee ou trans-formee avec la personne decedee, une relation qui peut durer de nombreuses annees. C’est la raison pour laquelle les personnes qui vivent un deuil disent si souvent : « Il vit dans mes souvenirs», ce qui est un concept hautement spiri­tuel. Pour certaines personnes, le deuil prolonge peut comporter des visites periodiques à la tombe de l’titre cher, où elles peuvent lui «parler», ou une participation à des pratiques religieuses qui honorent celui ou celle qui est de-cede(e) et sont une occasion de se souvenir de la personne. 12

Le deuil n’est pas une «maladie» et ne requiert aucun traitement profes-sionnel. Cependant, le processus de deuil peut parfois derailler ou se com-pliquer d’une façon ou d’une autre. En effet, on applique souvent le terme « deuil complique» (DC) lorsque la tran­sition du deuil aigu au deuil integre est perturbee ou compromise. Les pasteurs devraient titre capables de reconnaître le DC, car il peut signaler un arrtit de la progression et de l’integration du deuil, ou laisser presager le developpement d’une depression majeure, les deux si­tuations pouvant demander et beneficier de traitement professionnel, avec un soutien spirituel continu. Bien qu’une discussion complète du DC depasse le cadre de cet article, Shear et d’autres auteurs en ont decrit certains traits caracteristiques, parmi lesquels les points suivants:

  • Difficulte prolongee à accepter la mort, s’etendant audelà de six mois
  • Nostalgie profonde et persistante de la personne decedee
  • Colère et amertume (par exemple, sur les circonstances du decès)
  • Pensees constantes tournees vers le defunt
  • Évitement systematique de tout sou­venir en rapport avec le defunt
  • Sentiment d’inutilite de la vie et des relations humaines
  • Facultes affaiblies13

Un portrait de la dépression majeure

Ceux qui souffrent de tristesse et ceux qui vivent une depression sevère habitent deux mondes très differents, bien que les deux « univers» se croisent dans certains aspects de l’experience vecue. Par exemple, tant la personne triste que celle qui est deprimee decrira sa tristesse et son sentiment de perte. Cependant, la personne serieusement deprimee doit endurer un genre de souffrance à part, qui «tue l’âme», comme le decrit de façon eloquente l’ecrivain William Styron: « La mort etait maintenant une presence quotidienne, soufflant sur moi comme des rafales froides. Mysterieusement et par des moyens totalement etrangers à l’expe-rience normale, la bruine grisâtre de l’horreur provoquee par la depression prend la forme d’une douleur phy-sique...[Le] desespoir, dû aux mauvais tours joues au cerveau malade par la psyche qui l’habite, en vient à ressembler à l’inconfort diabolique d’titre empri-sonne dans une pièce cruellement sur-chauffee... [Ainsi] il est tout à fait naturel que la victime commence à penser sans cesse à l'absence... Dans la depression, la foi en une delivrance, une restauration definitive, est absente.»14

Comme cette description l’indique, il existe des differences marquees entre l’experience de la douleur du deuil et la depression clinique. Par exemple, les pasteurs et les conseillers devraient savoir reconnaître que si la personne endeuillee a parfois un desir de mourir, il s’agit generalement de pensees de « retrouvailles» avec les titres chers, pour trouver une consolation spirituelle. En revanche, l’humeur du patient sevè-rement deprime s’accompagne souvent de pensees ou de plans suicidaires, avec le sentiment qu’il ou elle «ne merite pas» de vivre.

Ces idees ou ces plans suicidaires – surtout s’ils sont accom-pagnes d’expressions de degoût de soi et de culpabilite – representent une ve­ritable urgence de sante mentale, qui necessite une orientation rapide vers des professionnels de ce domaine. Contrairement à la personne qui vit un deuil normal, la personne gravement deprimee est souvent trop centree sur elle-mtime et trop isolee emotionnelle-ment pour apprecier le reconfort des autres ou chercher et repondre au sou-tien pastoral. À l’inverse, la personne endeuillee maintient generalement un lien emotionnel puissant avec des amis, de la famille et, dans certains cas, avec l’Église, dont elle accepte souvent le soutien moral. À ce sujet, le psychologue Kay R. Jamison a observe que « la ca-pacite à se laisser reconforter est une distinction significative entre le chagrin et la depression.»15

Parfois, les amis, la famille ou les specialistes inexperimentes peuvent confondre la simple tristesse avec la depression grave. Mais, le plus souvent, des signes de depression grave sont faussement classes comme « normaux», simplement parce qu’ils apparaissent peu de temps après la mort d’un titre cher. Cette perception erronee prend parfois la forme de ce que l’un de nous (Ronald Pies) a appele «l’erreur de l’empathie disparue» – la notion incor-recte que si nous pouvons comprendre comment quelqu’un en est venu à titre deprime, nous avons etabli que l'humeur de la personne est normale.16

Les conseillers spirituels ou laïcs, pour qui l’ecoute, la compassion et l’acceptation sont des vertus d’habitude et de temperament, peuvent titre parti-culièrement vulnerables à cette « nor­malisation» bien intentionnee mais inopportune. Dans la tradition judeo-chretienne, les personnes qui vivent un deuil ont un statut special de respect et de recusation de responsabilites, qui est souvent ritualise. Les pasteurs ainsi que les therapeutes, peuvent trouver gtinant d’admettre que la personne vi­vant un deuil est « deprimee». Mais en agissant ainsi, ils peuvent contribuer à reduire la «honte» du diagnostic, ce qui emptiche souvent les personnes croyantes de demander un traitement en sante mentale.

Parce que le chagrin et la depression sont des conditions differentes, il en resulte que les deux peuvent coexister, en particulier après le deuil, et peuvent beneficier davantage de la collaboration des pasteurs et des specialistes de la sante mentale, en termes de soins. Le deuil, loin d’« immuniser» la personne contre la depression majeure, est en fait un declencheur commun de la ma-ladie mentale.17 Pour les aumôniers et les pasteurs conseillers, cela rend d’au-tant plus important le fait de reconnaître et de repondre à la depression grave de façon appropriee.

Les croyants ont souvent beaucoup plus confiance en leur pasteur qu’en un clinicien; et en fait, un prtitre comme un pasteur ou un rabbin peut titre la seule personne en mesure de persuader les personnes endeuillees de chercher de l’aide pour leur sante mentale. Si la depression majeure est suspectee, l’orientation vers un professionnel de la sante mentale est justifiee.

Dans les cas les plus legers, le traitement par psychotherapie est souvent suffisant. Dans le cas de graves episodes de depression, la medication peut titre necessaire. Cependant, mtime après consultation d’un professionnel, le sou-tien pastoral est toujours favorable, en particulier pour la resolution du deuil et le soutien spirituel des personnes endeuillees. Avec le consentement du patient, nous encourageons les pasteurs et les therapeutes en sante mentale à travailler en collaboration au service de la guerison holistique, en traitant les dimensions mentales, physiques et spirituelles de la personne.

Certaines des principales differences entre le chagrin et la depression majeure sont resumees dans le tableau suivant.

 Processus De Deuil Dépression Majeure (psychiatrie)
Définition/concept Éventail de pensées, de sentiments et comportements en réponse à la mort d’un être cher, d’un ami proche ou d’un membre de la famille; ou à tout autre décès important. Après cette perte, le deuil s’accompagne souvent de rituels fondés sur la culture. Maladie psychiatrique marquée par la détresse et la souffrance. Les fonctions normales sont altérées de façon significative. Les formes psychiatriques les plus graves sont la dépression majeure « mélancolique » et psychotique
Humeur, émotions et sensations caractéristiques Sous sa forme la plus aigue: sens profond de la perte de quelqu’un, tristesse intense, nostalgie envers le défunt; tendance à pleurer constamment; sentiment de « vide douloureux » au début du processus de deuil. L’angoisse, la colère, l’anxiété, et la solitude sont parfois présents, surtout au cours de la période qui suit immédiatement le décès. En général: sens profond et généralisé d’abattement, désespoir, impuissance, tristesse, nihilisme, « temps arrêté ». Diminution notable du plaisir pour presque toutes les activités
Variations d’humeur et d’émotions Changements au fil des heures et des jours; la tristesse, la nostalgie, les pleurs, viennent souvent sous formes de « vagues » ou d’« accès aigus », en réponse (interne ou externe) aux souvenirs de la personne décédée. C’est généralement entrecoupé de périodes d'émotions positives, d’heureux souvenirs du défunt. La personne qui vit le deuil est généralement « consolable » par des amis et la famille. Très peu de changements au fil des jours; diminution ou absence de sentiments positifs (l’incapacité à éprouver des émotions positives est une caractéristique de la dépression majeure); humeur dépressive marquée la plupart des jours de la semaine, pour > 2 semaines. Rarement consolable par des amis et la famille
Sommeil, appétit La personne qui fait face au deuil peut avoir de la difficulté à trouver le sommeil, car des pensées concernant la personne décédée lui viennent à l’esprit, (par exemple, si le lit avait été partagé avec le défunt, ou en repensant aux aspects troublants du décès). Il arrive que la personne se réveille durant la nuit, mais la physiologie du sommeil est habituellement normale. L’appétit et l’horaire habituel des repas peuvent être perturbés par l’émotivité accrue liée à des souvenirs de la personne décédée. La perte de poids est généralement minime. Se réveiller très tôt le matin (par exemple, à 4h)est un constat classique. (Dans de rares cas: sommeil excessif/hypersomnie). Perte d’appétit qui mène souvent à une perte de poids significative.(Dans de rares cas: prise de poids, lors de dépression « inhabituelle »). Anorexie souvent sévère, avec une perte de poids importante (> 4kg).
Énergie, changement psychomoteur Des émotions intenses peuvent perturber le sommeil et interrompre le rythme habituel de la vie quotidienne de la personne endeuillée. Dans certaines cultures, certaines expressions dramatiques du deuil sont semblables à une agitation psychomotrice, mais sont plutôt des rituels Il y a souvent un ralentissement marqué des facultés mentales et une diminution d’énergie; activité motrice nettement accrue ou diminuée (par exemple, le volume et l’intonation de la voix sont très faibles; agitation marquée, le fait de se tordre les mains, d’entortiller ses cheveux, etc.).
Perception de la réalité Celui qui vit un deuil récent peut momentanément avoir l’air « perdu » ou confus; il peut brièvement entendre la voix ou voir une image de la personne décédée; mais il est en contact avec d’autres aspects de la réalité (non délirante). La dépression sévère avec psychose peut mener à des délires de désintégration corporelle, le fait de « pourrir », d’être « puni par Dieu »; la personne peut vivre des hallucinations auditives dénigrantes.
Image de soi L’estime de soi est largement préservée, même s’il y a souvent des sentiments de confusion d’identité et/ou de rôle; la culpabilité et les remords sont courant, mais généralement éphémères et axés sur la personne décédée (par exemple, «Si seulement j’avais dit ou fait ceci, cela... »). Dégoût de soi, un sentiment d'inutilité, d'être une personne « impardonnable » ou un « terrible pécheur »; profonde culpabilité corrosive sans raison évidente.
Idées sombres se rapportant à la mort Il y a parfois le sentiment de ne pas vouloir vivre sans le défunt, ou des fantasmes sur le fait de vouloir se « retrouver » avec ce dernier; cela se passe habituellement sans plan ou intention suicidaire Les idées et intentions suicidaires sont fréquentes; la personne peut penser: «Je ne mérite pas de vivre. »
Fonction sociale professionelle Au début, lors du processus de deuil, il peut être difficile de socialiser, bien que la personne désire et apprécie tout de même la compagnie d’amis et de la famille. Des sentiments de déconnexion des autres peuvent aussi avoir lieu, mais les liens affectifs profonds sont habituellement préservés. L’activité professionnelle est normalement maintenue, mais la personne est souvent distraite au travail et préoccupée par la perte de l’être cher. L’isolement de toute activité sociale est souvent profond; la personne se sent profondément aliénée des autres; elle peut s’isoler dans sa chambre, refuser toute visite. L’activité professionnelle est généralement compromise de manière signi­ficative, souvent avec beaucoup de journées d’absence du travail.
Parcours/Résultat En règle générale, la douleur intense évolue au fil du temps, même si la progression est erratique; il n’y a pas de durée « fixe » pour le deuil douloureux. L’intégration du deuil dure souvent toute la vie, mais la douleur est transformée, de telle sorte que la personne endeuillée est en mesure de renouer avec la vie, avec l’acceptation «mitigée» du décès. Durée variable, souvent de nombreux mois, voire des années, si la personne n’est pas adéquatement traitée. Le suicide est l’issue dans environ 4 % des cas de dépression majeure.
Traitement Le soutien, l’orientation et l’éducation peuvent être utiles, mais le deuil n’est pas un trouble mental et n’a pas besoin de «traitement» professionnel.

Un traitement professionnel est souvent nécessaire, soit par psychothérapie, soit avec des mé­dicaments, ou les deux.

Conclusion

Le deuil et la depression majeure occupent des places differentes dans l'experience humaine, même s’ils ont cer-taines particularites communes (comme la tristesse, les pleurs, l’insomnie, etc.) et peuvent coexister au sein d’une même personne. Cette coexistence peut compliquer le diagnostic et le traitement, en particulier si le conseiller ou le clinicien n’est pas familier avec les diffrences substantielles entre le chagrin et la depression. Au cours de la periode de deuil post-intense, ces discriminations sont particulièrement importantes parce qu’elles ont un effet direct sur les dis­positions à prendre et sur le traitement. En conseillant la personne recemment endeuillee, le conseiller pastoral, entant que professionnel de la guerison, devrait reconnaitre et repondre aux signes avant-coureurs d’un episode depressif majeur, qui demande un traite-ment professionnel.


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  1. Les auteurs souhaitent remercier Dr Robert Daly, Dr Sidney Zisook, et Dr M. Katherine Shear pour leurs r6f6rences ou commentaires utiles à cet article.
  2. Sauf indication contraire, tous les textes bibliques cit6s dans cet article sont tir6s de la Nouvelle Bible Segond.
  3. William Styron, Darkness Visible: A Memoir of Madness. New York: Vintage, 1992, p. 47.
  4. S. Nassir Ghaemi, “Feeling and Time: The Pheno­menology of Mood Disorders, Depressive Realism, and Existential Psychotherapy,” in Schizophrenia Bulletin 33 (2007), p. 122–130.
  5. Murat Halstead, Story of Opportunity or Character Building. Whitefish, MT: Kessinger Publishing, 2003, p. 582.
  6. Andrew Solomon, The Noonday Demon:An Atlas of Depression. New York: Touchstone, 2002, p. 293.
  7. Thomas Moore, Dark Nights of the Soul: A Guide to Finding Your Way Through Life’s Ordeals. New York: Gotham, 2005, p. 211.
  8. Katherine Shear, “Complicated Grief: Reframing the Way We Think About Love and Loss,” in Pacific Standard, 16 juin 2014, www. psmag.com/navigation/health-and-behavior/complicated-grief- reframing-way-think-love-loss-83511/.
  9. Sidney Zisook et Katherine Shear, “Grief and Berea­vement: What Psychiatrists Need to Know,” in World Psychiatry 8, no. 2 (Juin 2009), p. 67–74.
  10. Ibid.
  11. Ibid.
  12. Ibid.
  13. M. Katherine Shear, Angela Ghesquiere, and Kim Glickman, “Bereavement and Complicated Grief,” in Current Psychiatry Reports 15, no. 11 (Novembre 2013), p. 406.
  14. Styron, Darkness Visible, p. 50.
  15. Kay Redfield Jamison, Nothing Was the Same: A Memoir. New York: Knopf Doubleday, 2009, p. 178.
  16. Kristy Lamb, Ronald Pies, and Sidney Zisook, “The Bereavement Exclusion for the Diagnosis of Major Depression: To Be, or Not to Be,” in Psychiatry (Edgmont) 7, no. 7 (Juillet 2010), p. 19–25.
  17. Sidney Zisook, Ronald Pies, and Alana Iglewicz, “Grief, Depression, and the DSM-5,” in Journal of Psychiatric Practice 19, no. 5 (Septembre 2013), p. 386–396.
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